La rentrée scolaire en Haïti

Lundi 4 septembre 2017. J’arrive enfin à trouver un peu de temps et d’inspiration pour vous écrire. Aujourd’hui, c’est la rentrée scolaire en Haiti. Elles sont toujours timides les rentrées en Haiti. Les parents ne sont jamais prêts : frais de scolarité et fournitures scolaires incomplets, uniformes non cousus, etc. Du haut du toit de l’école « Institution Notre Dame des Petits », j’observe. C’est le matin ; il fait 26 degrés. Mais, le ressenti est plus important  lorsqu’on a dormi entre quatre murs. Du haut du toit de l’école, je vois des personnes qui dorment encore dans leur cour ou sur le toit de leur maison. Oui, c’est une pratique devenues courantes à Port-au-Prince de dormir sur le toit tellement la chaleur est torride dans les maisons. La canicule dure tout l’été chez nous. On y est habitué, tous les moyens sont bons pour y résister…

Du haut du toit de l’école, je vois les premiers élèves de Notre Dame arriver. Deux enfants, avec leur maman, vêtus de leur uniforme rose et blanc. Il est 6h 28.

Les voitures grouillent déjà sur l’avenue Maïs Gâté. Depuis le toit de l’école, je peux observer à une certaine distance cette grande rue. Pas beaucoup d’écoliers ! A l’époque, cette avenue était impraticable. C’était une route en terre battue qui traversait une grande savane non cultivée et qui commençait à être construite. Mon papa et moi  habitions dans une petite pièce louée. Pour aller à l’école au centre ville de Port-au-Prince, toute la maison se réveillait à 4h00 du matin et chacun vaquait à ses occupations : qui, préparait le petit déjeuner, ses cours,  qui encore commençait à prendre sa douche, et moi je révisait mes leçons. A 5h, j’allais prendre à mon tour la douche. A 5h30-5h45, on quittait la maison pour prendre un »tap-tap » ou pour se coincer dans la vielle voiture d’un voisin qui était à 500 mètres. Il faisait souvent encore noir, et on avait peur en sortant de la maison. Mais au fur et à mesure que le quartier se bâtissait et qu’il y avait de nouveaux habitants, nos peurs s’estompèrent. Aujourd’hui, presque chaque maison, en général basse, compte plusieurs familles. Pourtant, ce matin, les élèves se font rare. Notre jeune population, dont 57% a moins de 24 ans, est encore aux abois.

La dure réalité d’Haiti est telle que dès que tu y rentres le système te broie. On n’a jamais le temps pour penser sa vie, et, à plus forte raison  celle des autres. Les préoccupations quotidiennes interdisent toute gestion du temps et toute pensée décentrée. Entourée de souffrances, plongée dans la misère la plus crue, désarçonné par des gouvernants et une élite décourageante, il faut se faire violence pour penser à autre chose que ce qu’on vit et  en ne se faisant aucune illusions. Violence qui nécessite d’oublier parfois la vive réalité qui nous tire en arrière pour oser croire, et oser construire tout petit dans l’espérance. Alors, je résiste. Je sais pouvoir compter sur des gens généreux, tournés vers les autres. Nous sommes plongés dans les problèmes quotidiens de notre pays,  pour apporter une solution à un ou deux qui nous touchent plus ou qui nourrissent les autres, les membres de HAÏTI EN CHŒUR nous font tenir dans l’espérance. En France, ces membres préparent la fête des associations de la ville d’Épinay-sous-Sénart. HAÏTI EN CHŒUR y tiendra un stand d’information. Les amis qui  le prennent en charge comptent, en autres, passer un film de quelques minutes, sur  les dégâts qu’a provoqués par le passage de  l’ouragan Matthew dans le sud d’Haiti, en octobre 2016. C’est particulièrement touchant car actuellement, en Haiti, c’est la saison des pluies. Ici, il n’y a pas  4 saisons comme dans  l’hémisphère nord. On distingue seulement une saison des pluies, mais vraiment de pluies torrentielles, et une saison de sécheresse. C’est vrai qu’en été il fait plus chaud. Mais en hiver, il ne fait pas pourtant frais, sauf le matin où l’on peut avoisiner les 20 degrés. Autrement à midi, le soleil bat son plein, et la température est rarement en-dessous de 30°. J’ai déjà assisté à de grands orages. Pendant que des bénévoles pensent à nous en France, nous, ici, nous nous préparons à nous confronter à un nouvel ouragan de même puissance, semble-t-il, qui doit frapper Haïti jeudi et vendredi. Heureusement, on a encore le temps d’espérer qu’il perde en intensité (l’inverse est aussi possible), et qu’il dévie de sa trajectoire pour ne pas toucher Haïti. Ce qui se produit relativement souvent malgré nos récurrentes agonies. La région caribéenne est toujours menacée par au moins une vingtaine de cyclones pendant la saison des pluies. Dommage qu’Haïti soit encore loin de prévoir ce phénomène inexorable!

Il est 7h10. A l’Institution Notre Dame des Petits, la rentrée est à 7h30. Je dois m’échapper… J’espère trouver un petit moment pour vous écrire de nouveau avant de laisser le pays.

A bientôt!

Une bibliothèque financée par HAÏTI en Choeur

Au cours de la mission en Haïti  de Martin Dumais, président de notre Association, en juillet et août dernier, une bibliothèque avec des étagères « flambant neuf » a été installée à l’Institution Notre Dame des Petits.

Les dix grandes étagères font à peu près 90 pouces de hauteur et 39 pouces de largeur. Elles  ont été financées en grande partie par HAÏTI EN CHŒUR. L’école a pu compléter avec ses propres deniers. Les bibliothèques ont été fabriquées sur places par un artisan ébéniste qui est aussi un parent de deux élèves de l’école. Désormais, les livres envoyés par les adhérents de l’association sont classés, enregistrés et rangés sur les étagères dans une salle entièrement aménagée pour cela. Un jeune bénévole, Désitéus Dawenson Pierre  assure la gestion de la bibliothèque. Il ne reste qu’à continuer à remplir les étagères, avec l’espoir de trouver les moyens nécessaires au remplacements des claustras – qui laissent passer trop de poussière par les fenêtres de la pièce –  par des persiennes ou des fenêtres vitrées.

Quelques exemplaires de livres liturgiques offerts par la maison d’édition Sainte Geneviève  occupent aussi une étagère dédiée aux livres religieux .

HAÏTI en Choeur à la fête des associations d’Epinay

Le 10 septembre 2017 s’est tenue dans le parc de l’Europe la fête des associations de notre ville d’Épinay-sous-Sénart. HAÏTI EN CHŒUR  était présente à cet évènement. Des membres de l’association, Anne-Marie Jaudon, trésorière, Francoise Bartouilhet, Aurélie et Arlette Tsang, membres du conseil d’administration ont tenu un stand d’information pour notre association. Elles ont échangé avec la population spinolienne, notamment avec quelques spinoliens originaires d’Haïti dont un conseiller municipal de la ville.

HAÏTI en Choeur a formé ses bénévoles en Haïti

HAÏTI EN CHŒUR, en partenariat avec les Gobelins, l’école de l’image, et avec l’aide du FFA de ROCOR, a contribué à la formation, d’un groupe de personnes, dont des bénévoles de l’Association en Haïti, en photographie, vidéographie et communication. La formation s’est déroulée du 30 juillet au 13 août 2017 à l’Institution Notre Dame des Petits. Le vidéoprojecteur financé par les adhérents, en France, de notre association HAÏTI EN CHŒUR. a rendu possible cette formation dans une salle informatique aménagée à l’école pour l’événement. Un congrès sous le thème du travail le 4 et le 5 août a réuni un grand nombre de personnes.

L’organisation de l’événement a été prise en charge par Martin Dumais, président de l’Association et ancien élève du Séminaire orthodoxe russe en France. Inès Le Docte et Alexandre Andreev ont été des acteurs dans le déroulement de la formation. Inès le Docte, est venue de la paroisse saint Job de Bruxelles et a organisé des séances d’apprentissage ludique de la langue française pour les enfants de 6 à 10 ans de l’Institution Notre Dame des Petits. Alexandre Andreev est venu de l’Académie théologique de Saint Pétersbourg pour rendre visite à la Mission orthodoxe d’Haïti.
(Cliquez sur les différents liens pour voir les reportages.)

En même temps en Haïti…

Cela fait dix jours que je suis à Haïti. Cette semaine, il a plu pratiquement chaque jour. Des rafales de vents qui apportent de l’air frais et viennent équilibrer ce climat trop chaud. Ici on transpire. On transpire beaucoup. Et on se répète. Faut-il accuser la chaleur comme cause de la lenteur des gens dans ce pays? Tout va au ralentit. Ce qu’on peut faire en trois heures, ici, on le fait, si on se presse, en un jour. Pourtant, certains services sont extrêmement rapides si on paie. Quelqu’un me disait que tout est possible en Haïti : « avec l’argent qui ne doit pas te manquer !» Mais parfois, cela ne fonctionne pas.

Quatorze juillet. C’était un vendredi. En France c’est la fête nationale, en Haïti, je suis allé acheté un grand réchaud à gaz. Il sera une alternative au charbon de bois utilisé jusqu’à maintenant pour la cantine de l’Institution Notre Dame des Petits. Ce réchaud nous avait plu au premier coup d’œil, quelques jours auparavant, le 11 juillet. Je prenais alors la route pour me diriger vers la ville de Léogane. C’est la ville où j’ai passé mon enfance ; là vit maman et toute sa famille. Alors, ce mardi-là, de passage, la vendeuse craignait de nous faire entrer pour regarder de prêt le produit. En effet, des voleurs peuvent se présenter en tant que client et s’attaquer à la boutique. Bien-entendu, ce vendredi, la vendeuse ayant appris que je venais, réellement, pour  acheter le réchaud, m’a fait entrer, presque cordialement, pour faire l’appoint. Le seul problème : à la fin de la transaction, je lui ai demandé de tester le produit avant de l’emporter. C’est le genre de réchaud qui fonctionne sans allumette. Le premier fourneau a marché. Quant au second, après plusieurs tentatives, elle a dû chercher des allumettes. Ce qui est bizarre, c’est que la vendeuse  me mettait de la pression pour que je prenne le produit défectueux sous prétexte que c’est le seul qui restait et que chaque jour des gens viennent le voir. En plus, « l’entrepreneur, dit-elle, n’arrive plus à en trouver de pareil pour alimenter son stock ». Avec quelle arrogance elle me haranguait ! Avec quelle mauvaise foi, m‘affirmait-elle que tout fonctionnait bien. Elle avançait que l’autre fourneau s’allumerait sans allumette à un endroit où il n’y aurait pas de vent ; dans un endroit fermé, quoi ! Sauf, que les deux fourneaux sont sur le même réchaud et positionnés au même endroit. Finalement, au lieu de me donner des explications plus solides ou d’avouer que son réchaud avait un défaut, elle a préféré me lancer : « soit vous le prenez, soit vous me rendez la facture. Il y aura un autre client qui se pressera de le prendre. »  Bah voilà, c’est comme ça ! Il n’y a pas plus commercial : on vous promet que vous trouverez ce que vous cherchez, et après on vous force à prendre n’importe quoi au risque de passer pour un idiot. C’est que, Haïti est l’endroit parfait pour constater les paradoxes qui animent l’être humain. Culture de l’accueil par excellence, mais certaines personnes de cette population peuvent être d’un mépris inégalable. Libre, mais enchevêtré dans la pauvreté, ce pays est le lieu rêvé du désespoir et de la résignation ; que je refuse de cautionner…

                        Retournons à nos moutons ! La pluie est terrible ici. Pas une pluie qui ne fasse penser aux personnes cardiaques. Le tonnerre gronde fort, l’orage se déclare subitement. Lundi dernier par exemple, j’étais avec mon père en train de déballer des livres que HAÏTI EN CHŒUR a envoyé à l’Institution Notre Dame des Petits, quand le temps se referma soudainement sur lui-même. Un éclair partit. On n’avait rien vu venir, sinon qu’une petite brise légère s’était levée, qui nous reposa un petit moment de la canicule. Le fait est, que, chez nous,  nous nous informons rarement de la météo. Encore faut-il avoir un poste de télévision ou de radio ! Je n’en ai pas trouvé chez mon père. Ma mère, de son coté, se plaint de n’avoir aucun outil de distraction chez elle. Elle veut un appareil DVD… Les adhérents de HAÏTI EN CHŒUR ont heureusement été sensibles à notre demande concernant l’achat d’un vidéoprojecteur performant haute définition. Dès la rentrée prochaine, les écoliers, de l‘école qui ouvre pour la première fois une classe de 6e, pourront regarder les classiques du cinéma ainsi que des films documentaires instructifs pour enfants. Cela comblera en grande partie le manque qu’accusent nos enfants en distraction et introduira les enfants à la culture cinématographique.

Après l’éclair vient l’orage. On comprend mieux pourquoi le serment le plus populaire des Haïtiens est « tonnè kraze m’… – que le tonnerre m’écrase… » C’est parti d’un coup. La terre elle-même trembla. Le bâtiment fut secoué et nous avec. J’ai failli courir de stupeur. C’est comme si le tonnerre partait de la chambre où nous nous étions tenus. Je pense d’ailleurs qu’ assister à de telles manifestations de la puissance de la nature, peut donner une idée des conditions de vie de nos ancêtres hominidés ; de leur besoin de quête spirituelle et du savoir. En plus, cela dure, dure… S’il pleut 3heures, alors on est là pour une séance de terreur de trois heures. S’il pleut 4 heures, ce sera 4 heures de terreur. Et cela peut durer encore plus longtemps lorsqu’i s’agit  d’un cyclone. Deux ou trois semaines sans arrêt pour les cyclones les plus meurtriers que j’ai connus. Alors, il devient pertinent de se demander si ces situations ne permettent pas aussi de saisir quelques éléments des vieilles cultures animistes. La plupart, savons-nous, sont nées dans des régions tropicales. En tout cas, impossible ici de rester insensible au mystère de la nature. La peur habite forcément ceux qui vivent ça, aussi souvent. Une peur qui ne disparait pas avec l’orage mais qui se transforme en mythes, rites que traduit quelque part le Vaudou. De peur en peur jusqu’aux désastres que causent ces pluies torrentielles. Elles s’étendent sur tout le pays. Les eaux se déferlent, elles emportent tout. La rue, bétonnée ou asphaltée, se transforme en rivière. Et même à l’intérieur des maisons, il faut s’attendre à l’inondation. Parfois, on passe une nuit entière à payer les conséquences d’un toit en tôles mal recouvert. Cette peur, certains l’utilisent pour leur intérêt, qu’ils soient brigands ou appartenant à un pouvoir institué. Elle freine l’engagement social et politique. Elle permet aux démagogues de divulguer  leurs absurdités.

                        Il pleut encore. Après le grand orage, c’est une pluie à la française qui tombe (ou à l’anglaise si vous préférez). Deux heures que cela s’égraine. L’orage et les éclairs ne sont pas complètement partis. Apaisés, ils ne sont jamais vraiment très loin. A n’importe quel moment ils éclatent en étincelles et grondements. Mais le pire pour la fin… on a vite faim lorsqu’il pleut comme ça ! La saison de pluies s’accompagne souvent, dans les grandes villes, de famine. Tandis qu’à la campagne, la pluie s’espère. Néanmoins, en raison de la déforestation, à la campagne également, la pluie peut-être un invité inélégant. Il peut faire des ravages sévères dans les champs des paysans. La destruction des récoltes à Jérémie et aux Cayes en octobre 2016 en est un exemple. Temps de pluies, temps  de cyclones dévastateurs pour Haïti. Attention ! Pas de malheurs cette fois-ci : trop tôt, trop vite ! « Croisons les doigts ! »